Les fouilles récentes à Maguelone

Les fouilles récentes à Maguelone

Maguelone, bourgade littorale entre Antiquité et Moyen-Âge

Les cinq saisons de fouilles conduites de 2015 à 2019 dans les parties Ouest et Nord éclairent la topographie antique de l’île, connue désormais sur plus de 5000 m². Une quinzaine de bâtiments dégagés, une série de puits, des aménagements liés à la construction en terre, plusieurs secteurs funéraires, offrent désormais l’image de quartiers aux fonctions diversifiées du Vème au VIIème siècle. L’une des hypothèses initiales des recherches qui supposait l’existence d’une agglomération de l’Antiquité tardive, se vérifie : le contexte de la création épiscopale au VIème siècle se matérialise.

Localisation des zones de recherches sur l’île de Maguelone (photo L. Damelet, CNRS)

L’évêque et les artisans

Tuile de fabrication locale portant le monogramme du Christ, alpha et oméga tracé à l’envers (photo Gourillon-Raynaud, CNRS)

Connue depuis la découverte ancienne du dépotoir d’un atelier de verrier du VIème siècle aux abords de la Cathédrale, cette activité a livré de nouveaux vestiges dans le quartier Ouest. L’activité artisanale et le bâtiment étaient aussi redevables de l’exploitation du substrat insulaire : la découverte dans plusieurs sépultures de tuiles portant des symboles religieux, croix, monogramme du Christ et crosse pastorale, témoigne d’une production locale de terres cuites, probablement sous le contrôle épiscopal.

Bâtisseurs

Vue aérienne de la fouille du quartier nord en 2019. (photo : Vincent Lauras-Globdrone/DRAC
Occitanie)

La fouille livre de nombreux indices sur la construction en terre, depuis les fosses d’extraction du matériau jusqu’à la mise en oeuvre dont tous les bâtiments ont livré des vestiges. On sait désormais comment la « terre à bâtir » était apprêtée dans des fosses où s’effectuaient le foulage et le pétrissage du sédiment. Bien connue à Lattara durant la protohistoire, la construction en terre, loin de dénoter une situation de pénurie, témoigne d’une adaptation aux ressources lagunaire où la pierre fait défaut et où la terre offre d’excellentes qualités techniques.

Maguelone et la mer

Sépulture de nouveau-né dans une amphore provenant de la région de Carthage, Ve siècle (photo Cl. Raynaud, CNRS)

La question de la fonction portuaire  découle de la situation sur le littoral. Après la désertion du port de Lattara au IIIème siècle, l’île de Maguelone serait-elle la place d’échange avec la Méditerranée ? Accréditée par le nom de « Port Sarrazin » de la partie sud de l’île, l’hypothèse se trouve confortée par la forte représentation des importations de céramiques et d’amphores, particulièrement orientales. Toutefois, les fouilles n’apportent pas de réponse concrète, même si un grand bâtiment du quartier nord évoque une fonction de stockage avec cour enclose et bâtiments annexes, couvrant près de 1000 m². L’hypothèse reste à vérifier…

Les vivants et les morts

Fouille en 2019 d’une sépulture du VIe siècle (cliché CNRS)

La multiplicité des lieux de sépulture découverts par les fouilles offre les images opposées mais complémentaires du rassemblement des défunts dans et autour des églises, puis de leur dispersion dans les ruines lors de l’abandon progressif de l’île au VIIIème siècle. Ces pratiques funéraires éclairent les processus successifs de groupement, d’affaissement puis de dilution de la communauté des vivants, observée à travers les soins qu’elle prenait des défunts et les lieux qu’elle leur assignait.

Entre Lattara l’étrusque et Montpellier la médiévale

Pièce maîtresse du patrimoine lagunaire, l’ancienne île offre l’opportunité de conduire l’étude des dynamiques urbaines à la charnière entre Antiquité et Moyen-Âge. Après des décennies d’oubli de la part des archéologues et d’érosion des vestiges par les labours, Maguelone reste en mesure de livrer une contribution majeure à l’archéologie du Languedoc.